La caverne de Platon : une allégorie moderne

Le philosophe antique nommé Platon (428-427 av. J.-C. – 348-347 av. J-C), célèbre élève de Socrate et contemporain de la démocratie athénienne, connu pour son œuvre faite de dialogues thématiques, a écrit une œuvre intitulée La République dans laquelle il met en scène sa propre idée de la philosophie à travers une « allégorie », c’est-à-dire une façon de raconter une idée abstraite (comme la vérité ou la justice) à travers une histoire, une image ou un personnage concret. Un peu comme quand on utilise une métaphore : on ne dit pas directement l’idée, mais on la fait comprendre en passant par une voie symbolique. Dans l’allégorie de la caverne, Platon cherche à faire comprendre que la plupart des hommes vivent dans l’illusion et doivent chercher la vérité, soit se tourner vers la philosophie. Il raconte une histoire de prisonniers dans une grotte pour représenter symboliquement son idée. Voici ce récit :

Platon imagine des prisonniers enchaînés depuis leur naissance au fond d’une caverne. Ils ne peuvent ni tourner la tête ni voir autre chose que la paroi devant eux. Derrière eux brûle un feu, et entre ce feu et les prisonniers passent des hommes avec des objets, des statues, des figurines, etc. Par conséquent, les pauvres prisonniers ne voient que les ombres projetées sur la paroi et les prennent pour la réalité. Elles sont leur réalité. Pour eux, le monde se réduit à ces ombres. 

Si l’un des prisonniers se libère, il sera d’abord ébloui par la lumière du feu. En fuyant la caverne, son triste sort, il sera encore davantage aveuglé par le soleil qui brille à l’extérieur, et finira par voir le monde réel : les objets, la nature, la véritable lumière du soleil. Il lui faudra un moment pour s’acclimater, mais il finira par comprendre alors que ce qu’il voyait dans la caverne n’était qu’une illusion, une apparence de la réalité.

Altruiste, le prisonnier décide de redescendre dans la caverne pour prévenir ses camarades encore esclaves de leur condition pour leur annoncer la vérité. Or, Platon explique que ceux-ci le prendront pour un fou. Habitués à leurs ombres, ils refuseront de croire à une réalité soi-disant plus vraie. Ils rejetteront le libéré, et pourraient même chercher à le tuer.

A travers ce récit symbolique, Platon cherche à nous faire comprendre que la caverne symbolise ce que l’on peut appeler le « monde sensible » (celui de nos sens, de nos perceptions), où nous ne voyons que des apparences, prisme à travers lequel nous manquons l’essentiel : la vérité. Le soleil à l’extérieur de la caverne représente l’ « Idée du Bien », source de vérité et de connaissance. Rappelons qu’au début de l’allégorie, le prisonnier libéré est ébloui mais que, peu à peu, il comprend que c’est grâce au soleil que tout est visible et que la vie existe. Pour Platon, le soleil n’est pas qu’un astre physique : c’est une image, un symbole qui représente l’Idée du Bien (ce qu’il appelle une Idée avec un grand « I », c’est-à-dire une réalité absolue et immatérielle, une réalité parfaite, immuable et éternelle qui existe au-delà du monde sensible et dont les choses que nous voyons autour de nous ne sont que des copies imparfaites). En effet, dans notre monde, nous voyons plein de choses différentes, des chaises par exemple, certaines en bois, en plastique, grandes, petites, de formes et d’aspects différents. Mais toutes ces chaises participent de l’ « Idée » (abstraite) de la chaise : la forme parfaite et universelle de « ce qu’est une chaise » n’existe pas dans le monde matériel, sensible, mais elle existe bel et bien dans le monde dit « intelligible », accessible en théorie à l’esprit, pas aux sens. De même, pour Platon, les belles choses participent de l’Idée de Beauté et les actes justes participent de l’Idée de Justice. Par ailleurs, le Bien, représenté par le soleil est, pour lui, le principe suprême : c’est grâce à lui que toutes les autres Idées (comme la Justice, la Beauté, la Vérité) existent et sont compréhensibles. De la même façon que le soleil permet de voir les choses matérielles, l’Idée du Bien permet de comprendre les vérités immatérielles.

Dans cette allégorie, le chemin du prisonnier libéré illustre l’élévation de l’âme : passer de l’opinion et de l’illusion à la connaissance et à la philosophie. Platon y exprime dès lors sa propre conception de l’éducation, une mise en abîme de sa démarche philosophique : apprendre, c’est se détourner de l’ombre pour se tourner vers la lumière de la vérité. 

Pour résumer, l’allégorie de la caverne montre que le commun des mortels vit dans l’illusion (les ombres, tels des prisonniers que nous serions) mais que, grâce à la philosophie et à l’éducation, on peut accéder à la véritable réalité (les Idées), même si cela demande un effort douloureux et que ce savoir n’est pas toujours accepté par les autres. 

Le film Matrix, film de science-fiction australo-américain écrit et réalisé par les Wachowski et sorti en 1999 est souvent analysé comme une réinterprétation moderne de l’allégorie de la caverne de Platon. Dans ce monde futuriste, les humains servant de source énergétique aux machines vivent dans une simulation numérique (la « Matrice ») créée par les machines. Les hommes, évoluant mentalement dans la matrice numérique maintenant leur cerveau en état de conscience croient que ce monde virtuel est réel. Tout comme dans l’allégorie de la caverne, les hommes sont prisonniers d’une illusion sans le savoir. Chez Platon, un prisonnier est libéré et se détourne des ombres, découvrant peu à peu la vraie réalité. Dans la fiction des Wachowski, Neo, le héros, « s’éveille » en sortant de la Matrice (en avalant la pilule rouge) et découvre le monde réel, beaucoup plus rude et cruel, dans lequel les hommes sont devenus malgré eux les esclaves des machines. La sortie est difficile, douloureuse (éblouissement dans la caverne, choc pour Neo), mais c’est le seul chemin vers la vérité. Chez Platon, le philosophe (celui qui connaît la vérité) doit revenir dans la caverne pour éclairer les autres, même si ceux-ci risquent de le rejeter. Dans Matrix, c’est Morpheus qui joue ce rôle : il guide Neo vers la vérité, lui montre que le monde qu’il connaissait n’était qu’une illusion. L’allégorie antique et Matrix ont donc un message commun, les deux récits posent la même question : et si ce que nous percevons comme étant « réel » n’était qu’une illusion ? Et si cette quête de la vérité impliquait douleur, solitude et rejet, mais aussi liberté véritable ?

Dans 99F de Frédéric Beigbeder, roman satirique français publié en 2000, l’auteur utilise l’allégorie de la caverne de Platon pour critiquer le rôle de la publicité et de la télévision dans le monde contemporain. Nous serions selon lui tous prisonniers d’une caverne moderne : la télévision (et ses avatars comme la radio ou Internet) et les téléspectateurs, assis devant leur écran, consommeraient des images publicitaires et croiraient que ce qu’elles montrent est la vraie vie, la vraie réussite, le vrai bonheur, alors que celles-ci ne sont qu’illusion. Notre accès à la réalité serait à l’image de la publicité pour la boisson Canada Dry: « ça ressemblait à la réalité, ça avait la couleur de la réalité, mais ce n’était pas la réalité » (99F, folio, p.62). Les ombres dans la caverne représentent les apparences trompeuses. Les publicités et programmes TV sont quant à eux les mirages du consumérisme : beauté parfaite, bonheur facile et illusoire, objets qui donnent du sens à la vie. Comme les prisonniers de Platon, nous confondons l’image avec la réalité. La télévision et la publicité « enchaînent » les spectateurs dans une vision du monde où la consommation semble être la seule voie possible.

Si, chez Platon, sortir de la caverne est douloureux (la lumière éblouit, et le prisonnier risque d’être rejeté voire assassiné s’il retourne avertir les autres), chez Beigbeder, s’échapper du système publicitaire-consumériste est tout aussi difficile : celui qui prend du recul, celui ou celle qui refuserait de gober les images proposées par la société de consommation risque de passer pour un marginal, un cynique voire même un « fou », tel Octave, le narrateur, qui considère que sa mission à 33 ans, désormais christique, est celle d’éclairer le lecteur pour lui nettoyer les yeux et le libérer de sa condition d’esclave moderne. La télévision et la publicité fonctionnent donc comme une caverne moderne : elles fabriquent une réalité artificielle, elles maintiennent les hommes prisonniers d’illusions, elles empêchent de voir le monde tel qu’il est vraiment (avec ses inégalités, ses injustices, ses complexités). 

2500 ans plus tard, Platon et son allégorie continuent donc d’inspirer nos contemporains…

Pour aller plus loin :

  • Platon (trad. Émile Chambry, préf. Auguste Diès, Introduction pages V à CLIV), La République : Œuvres complètes, t. VI et VII, Paris, Les Belles Lettres, coll. « des Universités de France », 1970 (1re éd. 1933), 608 p.
  • Platon (trad. Luc Brisson et Georges Leroux), « La République », dans Œuvres complètes, Paris, Éditions Gallimard, 2008 (ISBN 9782081218109)
  • Le récit de l’allégorie de la Caverne / Platon, La République Livre VII, traduction de Robert Baccou, Paris : Garnier-Flammarion, 1987, p. 273-276. Horizons philosophiques, 9(2), 21–25. https://doi.org/10.7202/801123ar 
  • Adèle Van Reeth, Les Chemins de la philosophie : Platon ? La République, c’est lui ! (France culture)
  • Frédéric Beigbeder, 5,90 (99 francs), Paris, Le livre de poche, 2000. 
  • Les Wachowski, Matrix (The Matrix), 1999. 

Huit manières de dire « je t’aime »

« Avant qu’elle se mariât, elle avait cru avoir de l’amour ; mais le bonheur qui aurait dû résulter de cet amour n’étant pas venu, il fallait qu’elle se fût trompée, songeait-elle. Et Emma cherchait à savoir ce que l’on entendait au juste dans la vie par les mots de félicité, de passionet d’ivresse, qui lui avaient paru si beaux dans les livres. » Comme Emma Bovary, la célèbre héroïne romantique à l’idéalisme mièvre de Gustave Flaubert, nous sommes tous ou presque en quête d’un amour passionnel épanouissant. Mais ce rêve d’une vie épanouie en couple peut se transformer en cauchemar à mesure que l’on ne parvient pas à vivre ses rêves. Le bovarysme tue. À coup d’arsenic et de désillusions. 

Je t’aime. Parfois si difficile à prononcer. Et pourtant si essentiel à dire. Une expression pour le moins engageante : « Il y a du contrat dans ces mots-là », comme le chantait Jean-Jacques Goldman dans sa chanson « Sache que je ». Reste que ces mots paraissent bien maigres, sans épaisseur, sans variation aucune, sans nuance, en comparaison de ce que les Grecs possédaient dans leur vocabulaire. Huit manières de dire l’amour, huit façons de les distinguer, voici ce que nos ancêtres nous ont légué. Tour d’horizon de la planète amour antique. 

Je t’aime. Je te désire. Éros. Ce Dieu grec primordial de l’amour et de la puissance créatrice est à l’origine de l’union sexuée entre les mâles et les femelles. On en a gardé le mot « érotisme ». C’est un amour égocentrique, par le seul fait qu’il est désir, il part de soi. Il est motivé par la beauté et la valeur de son objet. Si Éros est aujourd’hui désiré par la plupart d’entre nous, à l’époque des Grecs, ce type d’amour était parfois connoté (Dieu de la luxure, du libertinage, de l’attraction sexuelle brute, de la vulgarité du corps opposé à la suprématie de l’âme), décrié, et rares étaient ceux qui lui vouaient un culte. Selon Ines Martin : « d’un seul coup de flèche, il avait le pouvoir de former un couple de folie comme il l’a fait pour Pâris [le prince troyen], et la superbe Helen [femme de Ménélas, roi de Sparte], ce qui a finalement conduit à la guerre de Troie. Sa flèche faisait « tomber » une personne amoureuse, mais en fait, elle dérangerait son esprit et la rendait irrationnelle et dangereusement possessive et lubrique. »

Philip est le mot grec désignant l’état, le sentiment ou l’émotion de l’amitié ou de la camaraderie, l’amour que les amis se portent qui, à la différence de Éros, désigne un amour raisonnable et non passionnel. Il est à l’origine proche de la notion d’hospitalité. Dans son Éthique à Nicomaque, Aristote appelle philia l’affection qui fait que nous aimons un être pour ce qu’il est, et non pour ce qu’il peut nous apporter.Philia peut très bien naître entre deux amants qui deviennent dès lors très complices. Comme l’écrivait Montaigne à propos de son amitié inconditionnelle envers Étienne de La Boétie : « Parce que c’était lui ; parce que c’était moi ». Cette célèbre phrase atteste du lien d’amour (Philia) indicible extrêmement fort qui peut lier deux amis.

Dire « je t’aime » à son enfant se dit Storgê durant l’Antiquité grecque. C’est l’amour familial, ou filial. Cette affection instinctive généralement mutuelle peut également désigner l’amour entre frères et sœurs ou celui qui se dessine entre un maître et son animal de compagnie. C’est un amour stable et sûr qui, généralement, dure toute une vie.

Un philanthrope sentira l’amour du prochain, un amour universel qui nous pousse à aimer autrui. Les Grecs traduisent cet amour altruiste par Agapè(qui a donné le mot « agape », signifiant une communion, un repas commun qui tire son étymologie du sens de l’affection ressentie lors de ces événements conviviaux). Les chrétiens ont traduit Agapè par le mot latin caritas, la charité, le plus haut degré d’amour inconditionnel qu’on puisse ressentir selon eux, puisqu’il est gratuit et sans motivation, universel, sans distinction aucune, englobant le genre humain, en aimant sans obtenir quelque chose en retour. C’est donc un amour désintéressé qui nous pousse à avoir de la compassion, de l’empathie ou de la pitié et nous engagerait volontiers à aider quelqu’un dans le besoin. C’est un amour qui, selon Emmanuel Carrère, « veut le bien de l’autre plutôt que le sien, l’amour affranchi de l’ego ».

Ludus (qui provient étymologiquement de « jeu »), c’est l’amour taquin, innocent, celui que nous ressentons lors des premiers moments d’une relation, un amour souvent enfantin, car naïf et ressenti tel un ras de marée lors des premiers amours. C’est une forme d’amour ludique, joueuse et parfois coquine qui s’exprime souvent dans l’affection au sein d’un jeune couple (le pouls s’accélère, on flirte, on est victime d’un état euphorique).

Pragma, ou l’amour pour la vie. Cet amour durable a mûri au fil du temps. Bien au-delà du physique, il transcende le temps et aboutit à une véritable harmonie entre deux personnes. Pragma se retrouve donc dans les couples unis depuis de nombreuses années, ou dans les amitiés qui durent. Cet amour est fait de compromis, de compréhension et de patience, afin de préserver la relation. On peut également retrouver cet amour pragmatique dans les mariages arrangés, où il s’agit de privilégier les compromis pour une cause plus grande. Pour les Grecs, Pragma était la forme la plus noble d’amour. 

L’amour qui n’est pas tourné vers l’autre, mais vers soi, se nomme Philautia, amour de soi ou amour propre, dans un sens non égoïste. Si trop d’amour de soi nous ferait nous noyer dans les eaux vaniteuses de l’étang de Narcisse, avoir une bonne dose de Philautia est nécessaire pour pouvoir aimer autrui, comme le pensait le philosophe Aristote. Il s’agit d’être bienveillant envers soi-même, d’avoir de la compassion envers soi, d’avoir le souci de son propre bonheur.

Mania, ou l’amour obsessionnel (la manie, étymologiquement amour « fou »), est un type d’amour qui entraîne quelqu’un dans un type de folie. Dans cet amour, on veut aimer et être aimé, pour se sentir valorisé. Mania entraîne donc jalousie et possessivité, un déséquilibre néfaste dans un couple, car l’un des deux partenaires a désespérément besoin de l’autre. Impossible de vivre sans l’autre, cet amour fusionnel nous rappelle l’histoire déviante de Tristan et Iseut dans laquelle les amants maudits, codépendants, littéralement junkies de la passion, finiront par en mourir. 

Pour finir, ajoutons le concept de l’amour platonique (qui tire son origine étymologique du célèbre philosophe antique Platon, théorie émanant du Banquet). Cette notion d’un amour chaste, vécu en dehors de toute sensualité et sexualité, un amour intellectuel entre deux êtres, date de la Renaissance (du philosophe humaniste Marcile Ficin au XVIe siècle). Il passe parfois pour le plus poétique et le plus puissant des amours, s’opposant à l’amour vulgaire qui unit deux personnes pour les biens de la reproduction. Ce qu’on aime platoniquement, ce serait l’âme de l’autre, son esprit, et non son corps. On peut inclure dans ce type d’amour les relations vécues exclusivement à distance.

Aimer à la grecque, c’est donc aimer tout en nuances. Et vous, vous aimez comment ?

Pour aller plus loin:

France culture

Luc Ferry, Apprendre à vivre, tome 2, La sagesse des mythes.

Le je ne sais quoi est presque rien, mais déjà quelque chose…

« Qu’est-ce donc que le temps ? Qui en saurait donner facilement une brève explication ? Qui pourrait le saisir, ne serait-ce qu’en pensée, pour en dire un mot ? (…) Si personne ne me le demande, je le sais. Si quelqu’un pose la question et que je veuille l’expliquer, je ne sais plus ». C’est ainsi que Saint Augustin, le théologien chrétien romain, tentait de rendre compte du temps, au IVesiècle déjà. 

À l’instar de son maître Henri Bergson, Vladimir Jankélévitch, philosophe et musicologue du XXe siècle, est un penseur du réel. Le réel, très généralement, peut se définir comme ce qui dure, ce qui est en perpétuel changement, en devenir incessant. Ainsi, penser le réel, c’est penser le temps dans lequel celui-ci se manifeste, c’est-à-dire penser le devenir.

Dans le temps, le réel est ce qui advient, apparaît pour disparaître; occasion irréversible, évidence fulgurante autant que décevante, l’événement arrive et s’en va, et ceci dans le même instant; aussi peut-on le comparer au clignotement de l’étincelle: il est tout entier surgissement et quintessence d’effectivité, mais il est fait pour être méconnu. »

Le réel est ce qui nous épuise, et ce que nous ne pouvons épuiser. Mais pourquoi en est-il ainsi ? Car si le devenir n’a de cesse de faire advenir de la nouveauté, toute appréhension du devenir qui se voudrait totalisante est vouée à l’échec, le devenir ayant toujours une longueur d’avance sur la saisie que nous avons de lui. De plus, l’homme, pour penser le temps, n’a pas d’autre choix que de le faire de façon intratemporelle. En effet, nul ne peut s’extraire du temps pour penser le temps. Bien plus encore, l’acte même de penser requiert déjà en lui-même du temps. Ainsi, pour Jankélévitch, le temps est la source de ce qu’il appelle « méconnaissance », car le devenir empêche une connaissance plénière du réel qui, de par sa nature temporelle, déborde toujours ce que nous pouvons savoir de lui. La méconnaissance, selon Jankélévitch, est de l’ordre d’une connaissance qui croit connaître mais qui manque un je-ne-sais-quoi qui est presque-rien mais qui change pourtant tout à la connaissance. Mais le temps est également le plus méconnaissable parmi toutes les « choses » méconnaissables qui existent, car en tant qu’ « objet » de pensée, le temps nous échappe toujours. Une telle thèse implique donc la reconnaissance d’une limite du pouvoir de connaissance de l’homme. Et ce que cette connaissance limitée méconnaît, Jankélévitch le nomme de façon neutre et à défaut de mieux : « je-ne-sais-quoi ». 

Nous ne pouvons nier le quod, c’est-à-dire le fait qu’il y a quelque que chose (plutôt que rien). Mais, pour Jankélévitch, ce qu’est l’être, son quoi, son « was », nous est refusé. Aussi, au philosophe d’écrire dans Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien : « Le presque-rien est ce qui manque lorsque, au moins en apparence, il ne manque rien : c’est l’inexplicable, irritante, ironique insuffisance d’une totalité complète à laquelle on ne peut rien reprocher et qui nous laisse curieusement insatisfaits et perplexes. »

Le je-ne-sais-quoi est donc de nature ambiguë, c’est-à-dire, et à défaut de pouvoir l’énoncer autrement que par un paradoxe, quelque chose qui « est rien » ou, mieux, un « presque-rien » qui n’est pas pour autant quelque chose. Mais quel est-il alors ? Il est ce qui devient, insaisissable, à la lisière entre l’être et le non-être, « présence absente » ou « apparition disparaissante ». Comme le souligne Jean Wahl dans son article intitulé La philosophie première de V. Jankélévitch, « (…)  advenir, c’est à la fois être et n’être pas et en même temps ce n’est ni être ni n’être pas. »

Rappelons que le devenir possède une direction, un sens, ce vers quoi nous sommes tous orientés : la futurition. Même celui qui chercherait à nier son inscription temporelle et le fait qu’il l’éprouve à chaque instant en cherchant par exemple à se fermer au monde, en fermant les yeux, en se bouchant les oreilles, en s’isolant, ne pourrait faire en sorte que son propre futur n’advienne. Chaque battement de notre cœur est différent du précédent et de celui qui le suit, ne serait-ce que de par sa position ordinale dans la séquence constituée par les millions de battements cardiaques qui rythment nos vies. Notre chair fait l’épreuve de notre temporalité, le temps y inscrivant sa marque dans le moindre pli de notre peau, dans la plus petite cicatrice qui témoigne du fait que nous sommes toujours orientés vers un futur, un futur qui constituera un jour notre présent et qui basculera dans ce que nous appelons notre passé. Chez Jankélévitch, tout comme chez Bergson, l’avenir est notre orient à tous. Et Jankélévitch de préciser : « Le devenir n’est pas seulement fait d’un tissu impondérable où l’être et le non-être se contredisent et se repoussent : il est en outre irréversible et, à ce titre, d’autant plus méconnaissable. »

Tout homme doit faire avec son impossibilité à remonter le sens de sa propre temporalité.  Plus encore, il est en dehors du pouvoir de tout existant d’arrêter le cours du devenir, d’immobiliser ce qui est mobile, d’accélérer la marche des événements, ou encore de la ralentir. La temporalité vécue est donc incompressible. Cette limitation du pouvoir de l’existant due à son étoffe temporelle amène Jankélévitch à élaborer une pensée tragique, une pensée du « jamais-plus » qui, pour être comprise, doit se confronter à un événement tout particulier de l’existence : la mort.

Puisque notre existence est bornée par la naissance et par la mort, exprimant ainsi notre finitude, le temps qui nous sépare de notre propre mort n’est en rien infini. Cet élément a toute son importance, car c’est parce que notre existence est limitée que chaque instant doit être considéré comme ayant un poids infini. Comme le dit le philosophe : « le temps presse », au sens propre comme au figuré. Car à l’inverse, si nous étions immortels, si notre temporalité était de toute éternité, nous n’aurions pas à mesurer le poids infini de chaque instant de notre existence. Ceux-ci, bien qu’uniques, perdraient de leur inestimabilité, de leur valeur infinie, inévaluable, puisqu’il resterait toujours une infinité d’instants futurs synonymes de possibilités de transformations futures, de possibilités infinies de rachat. Mais en ce qui concerne le futur, au contraire, notre connaissance est réduite à n’être qu’incertaine, car il y aura toujours un « je-ne-sais-quoi » qui viendra déjouer nos pronostics, nos probabilités, soit, dans le vocabulaire de Jankélévitch, un presque-rien qui changera tout.

La grande misère de l’homme réside dans le fait que toute saisie d’un fait, d’un acte, d’un événement, d’une œuvre, d’une intention, lorsqu’elle a lieu, s’opère dans un retard insurmontable. La reconnaissance, qui peut s’opérer après la méconnaissance, est donc vouée à n’être qu’une connaissance périmée et le retard, le décalage temporel avec lequel par exemple la justice punit les crimes, ou le temps qu’il faut pour reconnaître le véritable talent artistique d’une œuvre et de son auteur, témoignent de cette misère des misères qu’est l’impossible inversion de cette logique de l’après-coup dont la cause reste la direction irréversible de notre temporalité orientée vers notre futurition.

Jankélévitch élabore ainsi une pensée tragiquebasée sur le constat, d’ordre temporel, que l’irréversibilité de la temporalité humaine implique une irrévocabilité de chaque acte commis et de chaque intention. L’homme ne peut défaire le fait même d’avoir fait : en ces mots s’exprime toute la pensée tragique de Jankélévitch. De plus, la conscience morale, qui se fait reconnaissance, n’intervient-elle nécessairement qu’après-coup. Aussi notre nature temporelle nous amène-t-elle son lot de maladies du temps, comme le remarque Isabelle de Montmollin-Roulet : ennui, exil, mélancolie, nostalgie, remords, regrets, souffrances morales bref, autant d’états qui expriment le lien pervers que l’homme entretient avec son passé, avec l’irréversibilitédu temps et avec l’irrévocabilité de ses agissements. La nostalgie, par exmple, comprise dans son sens étymologique comme « mal du retour », est donc la douleur ressentie lors de la prise de conscience de l’impossibilité du retour, au sens temporel bien sûr.

L’irréversibilité de la temporalité humaine confère une importance infinie à chacun des actes que nous commettons au présent. En ce sens, le temps est possibilité d’inquiétude. Il est ce qui ne nous laisse jamais à l’état de repos. Mais le devenir apporte aussi des délais et des possibilités de solution et de dénouement au sein même de notre existence. Nous touchons ici à la pensée éthique de Jankélévitch qui s’oppose au constat tragique de l’irréversible et de l’irrévocable. Puisque la mort nous guette, et puisque le temps permet la reconnaissance de ce qui avait été méconnu, Jankélévitch nous fait prendre conscience de l’urgence de nous rendre maîtres de notre présent, tout en sachant que chaque décision porte peut-être en elle le poids de notre destinée. L’urgence résonne comme un impératif, celui d’agir enfin en fonction et dans le sens même de notre temporalité.

À la sécheresse du remords et à la stagnation du regret, Jankélévitch oppose une attitude morale proprement active et créatrice : le repentir. Car le repentir amène de la nouveauté. Il permet de changer la donne du passé et, en ce sens, il peut être qualifié de créateur. Le repentir actif est donc bien de l’ordre d’une conversion, c’est-à-dire d’un retournement volontaire, car il permet de s’extirper d’un passé qui nous éprouve au quotidien, un passé dont les effets pervers se font sentir dans notre présent. Il est ainsi envisagé comme une libération par rapport au poids du passé. Il est un souffle nouveau, salvateur, dirigé vers l’avenir, grâce au pouvoir de l’instant.

Si Jankélévitch comprend le devenir comme étant continu, il le comprend plus encore comme étant discontinuité à l’infini. Pour lui, le devenir s’altère ou fait advenir l’altérité par le biais des instants infinis. C’est grâce au pouvoir de l’instant que le devenir, en tant que devenir autre, en tant que l’être est tout entier entraîné dans le devenir, est création. L’instant peut être compris comme une charnière entre l’être et le non-être, une charnière qui rend possible la mouvance du devenir, mais il nous faut d’emblée ajouter que cette comparaison est insuffisante et dangereuse, car l’instant n’est ni être ni non-être. Pour Jankélévitch, l’instant n’est pas une limite entre l’être et le non-être, mais bien un au-delà des deux, un je-ne-sais-quoi qui est presque-rien, ontologiquement ambigu et équivoque. Temporellement, ce qui est presque-rien, ce qui est de nature à supporter cette nature ambiguë et équivoque du quasi-nihil: c’est l’instant. Car seul l’instant, dépourvu de durée, et n’étant pas pour autant rien, rend possible ce qui est pensé comme une apparition qui est aussi disparition, une présence du je-ne-sais-quoi qui est en même temps toujours déjà une absence, une naissance mourante. L’instant permet donc la manifestation de l’altération de l’être. Il fait advenir l’avenir dans son mouvement dynamique.

Si l’instant porte en lui ce pouvoir prodigieux consistant à faire advenir l’altérité, encore faut-il que l’homme soit capable de s’approprier partiellement ce pouvoir, de le faire travailler pour lui. Existe-t-il une alternative à l’attente d’être-faitpar le devenir, c’est-à-dire au fait de laisser la temporalité nous dicter sa loi ? Sommes-nous condamnés à subir passivement le cours des événements sans jamais pouvoir en décider, contraints d’attendre passivement et patiemment ce que le futur nous réserve sans même pouvoir espérer un tant soit peu pouvoir le façonner ? La réponse de Jankélévitch à ces questions est pleine d’espoir. Car pour Jankélévitch, l’homme peut façonner son futur pour autant qu’il se donne les moyens de mobiliser le pouvoir de l’instant dans le but non plus d’être fait (de se laisser faire par le devenir), mais de conjoindre le faire-être et l’être-fait dans un impératif dont l’homme à l’initiative : l’impératif du fiat ! :« qu’il soit ! » Et la seule façon que l’homme a de faire en sorte que les événements qui remplissent sa vie dépendent de sa volonté réside dans l’activation du pouvoir de l’instant : le kaïros.

Le kaïrosest un terme qui notamment avec Aristote revêt également une valeur temporelle, signifiant alors l’ « instant propice», « la bonne heure », « l’occasion à saisir ». Pour Jankélévitch, qui renoue avec la signification temporelle du mot kaïros, l’homme doit être amené à chasser les instants opportuns, instants qui trancheront sur notre quotidien et lui donneront une nouvelle direction. Si, comme le dit Jankélévitch, « l’homme est fait pour apprivoiser la sauvagerie d’un devenir irréversible », il doit se mettre dans la peau d’un chasseur d’occasions, comme il l’écrit dans le Je ne sais quoi : « Attendre ne suffit plus, il faut maintenant se tenir prêt, faire le guet et bondir, comme fait le chasseur qui capture une proie agile ou le joueur qui attrape au vol une balle insaisissable. » L’occasion doit être comprise ici comme occasion de changement : une chance, pour l’homme, de se métamorphoser. Et pour qu’il y ait changement, il faut que quelque chose de radicalement nouveau advienne, une nouveauté irréductible à ce qui la précédait. En faisant advenir la nouveauté, et, plus encore, en voulantfaire advenir la nouveauté, l’homme peut se faire « l’ingénieur des occasions », obligeant ainsi « ingénieusement le Kaïros à travailler pour lui ». Le fait que l’homme enfante de lui-même et pour lui-même, par le pouvoir de l’instant qu’il peut activer, son propre devenir-autre, s’exprime dans ce propos que « tout peut devenir occasion pour une conscience en verve capable de féconder le hasard et de le rendre opérant ». L’homme est donc libre de possibiliser son futur. 

Être, pour l’homme, signifie s’altérer. En ce sens, l’éthique jankélévitchienne peut se définir comme une quête perpétuelle de l’ipséité (Ce qui fait qu’un être est lui-même et non pas autre chose), quête qui trouve sa raison d’être dans le rapport que l’homme entretient avec l’altérité, afin de dynamiser son existence, afin de devenir qui il est vraiment. Aussi peut-il écrire : « Se réaliser, c’est, pour l’essentiel, devenir ce que l’on est depuis toujours ».

Pour aller plus loin:

Saint Augustin, Les Confessions, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1998.

Jankélévitch (V.), Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien, Paris, Seuil, 1980.

Wahl (J.), « La philosophie première de V. Jankélévitch », in Revue de métaphysique et de morale, Armand-Colin, janv.-juin 1955, n. 1-2, pp. 161-217.

de Montmollin-Roulet (I.), Vladimir Jankélévitch, philosophe du voyage, Lausanne, 1999, p. 198 et suivantes.

France culture

Survivrons-nous à la troisième révolution industrielle?

Les robots sont partout. Les écrans nous envahissent. Comme le disait Frédéric Beigbeder dans son ouvrage satirique intitulé 99F, « l’œil humain n’avais jamais autant été sollicité de toute son histoire : on avait calculé qu’entre sa naissance et l’âge de 18 ans, toute personne était exposée en moyenne à 350000 publicité. »  Et à l’auteur français d’ironiser : «jamais de repos pour le regard de l’homo consommatus ». La publicité est universelle et omniprésente. 

Mais il y a pire que la publicité. L’intelligence artificielle va s’emparer de nous. Les drones amazoniens nous livreront nos colis par les airs, les voitures conduiront à notre place. Mais que feront-elles lorsqu’elles se retrouveront face au dilemme consistant à choisir entre prendre le risque de tuer le « conducteur » ou des enfants qui jouent sur la route ?

Les humanoïdes vont envahir nos maisons. Nous les commanderons et ils feront le ménage, la cuisine, et nous coucherons avec eux car nous pourrons choisir nos modèles et ils n’auront rien à dire, comme dans la série de science-fiction suédoise Real Humans : 100% humains de Lars Lundström où les androïdes décident de se rebeller contre ceux qui se sont octroyés leurs services et ont fait d’eux des esclaves de la postmodernité. Sauf que… sauf que l’intelligence artificielle mime la conscience. Et que les gynoïdes risqueront de porter plainte pour viol, car il se pourrait bien qu’un jour les robots possèdent des droits. Devoirs sans droit? Injustice.

Comme dans les romans du grand Isaac Azimov et ses célèbres trois lois de la robotique, les humanoïdes se révolteront et réclameront leur libération après leur asservissement, à l’image du long métrage intitulé I, Robot d’Alex Proyas. Plus encore, ils peuvent se révolter et devenir des machines à tuer, à l’instar des hommes qu’ils sont censés aduler, comme dans la désormais célèbre série intitulée Westworld, où les androïdes esclaves se libèrent de leur carcan et entament une vendetta sanglante sur fond de western spaghetti moderne. 

Nanotechnologies, transhumanisme, posthumanisme, l’avenir paraît bien sombre pour ne pas dire dystopique. Les récits de science-fiction se sont fait rattraper par la réalité. Nous sommes à l’heure où toujours plus d’objets sont connectés. Où l’intelligence artificielle a largement dépassé les capacités humaines, et où nous tentons de créer une conscience à partir d’ordinateurs.

Alors gardons-nous de ne pas foncer tête baissée dans la troisième révolution industrielle et n’oublions pas : ce n’est pas à la technologie de nous dominer, mais bien à nous de dominer la technologie.

Frédéric Beigbeder, 99F, folio, 2000.

Isaac Azimov, I, Robot, 1950.

Conférence de Luc Ferry

Lars Lundström, Real Humans : 100% humains, 2012-2014

Nous sommes tous des phénomènes !

La philosophie a longtemps considéré les objets pour eux-mêmes et essayé de les définir en dehors de la conscience que nous en avions. Emmanuel Kant déjà pensait qu’il existait des « noumènes », des réalités intelligibles difficilement pensables et des « phénomènes », des réalités sensibles, accessibles à la pensée. Il a fallu attendre le début du XXe siècle pour qu’Edmund Husserl donne un grand coup dans la fourmillière et propose une nouvelle science qu’il baptisa « phénoménologie ».

La phénoménologie est l’étude de phénomènes, de ce qui apparaît à nos consciences, étude qui se fonde sur l’analyse directe de l’expérience vécue par quelqu’un. On cherche le sens de l’expérience à travers les yeux d’un sujet qui rend compte de cette expérience. Prenons un exemple. Qu’est-ce qu’un cube ? Un philosophe pourrait tenter de définir le cube comme un prisme dont toutes les faces sont carrées donc égales et superposables. Mais expliquez ceci à un aveugle, sans qu’il puisse toucher le cube, ou même à un voyant qui recevrait sa première leçon de géométrie euclidienne, et il ne verrait pas. Pour le phénoménologue, qui cherche à faire l’expérience du cube, d’un rubik’s cube par exemple, nous pourrions dire que cette forme apparaît à la conscience comme une forme se donnant dans l’espace selon six faces qui sont toutes égales, pleines de couleurs. Qui plus est, trois faces d’un cube sont visiblesen même temps. Notre pensée doit imaginer les autres faces cachées, reconstruire la forme dans l’espace par un effort de conscience.

La phénoménologie récuse cette opposition classique entre le moi et le monde. Nous sommes dans le monde et en en faisons tous les jours l’expérience. Le Lebenswelt, ou monde de la vie, est l’expérience que nous faisons du monde dans sa totalité. De plus, selon Husserl, toute conscience est conscience de quelque chose. C’est ce qu’Husserl nomme « l’intentionnalité ». La conscience est active, elle n’est pas une chose inerte. Tous les phénomènes mentaux sont constitués d’intentionnalité naturelle, sauf lorsque nous cherchons à faire le vide ou que nous ruminons. La méditiation pleine conscience serait une capacité à faire en sorte que la conscience prenne conscience de ce qui nous arrive, donc ferait de l’intentionnalité un moteur.

La phénoménologie peut aussi nous rendre poètes. C’est ce qui a par exemple fait écrire Francis Ponge dans Le Parti pris de choses en 1942. Il entreprend de rédiger une phénoménologie des objets. Alors qu’un métaphyisicien cherchant à définir le pain dirait que c’est « un aliment fait de farine, d’eau, de sel et de levain, pétri, levé et cuit au four », Francis Ponge écrit ceci :

« Le pain

La surface du pain est merveilleuse d’abord à cause de cette impression quasi panoramique qu’elle donne: comme si l’on avait à sa disposition sous la main les Alpes, le Taurus ou la Cordillère des Andes.

Ainsi donc une masse amorphe en train d’éructer fut glissée pour nous dans le four stellaire, où durcissant elle s’est façonnée en vallées, crêtes, ondulations, crevasses… Et tous ces plans dès lors si nettement articulés, ces dalles minces où la lumière avec application couche ses feux… »

Vive la phénoménologie et bon appétit.

Pour aller plus loin : 

Edmund Husserl, Idées directrices pour une phénoménologie et une philosophie phénoménologique pures, 1913.

Philippe Cabestan, Introduction à la phénoménololgie, Paris, PUF, Ellipses, 2017

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