La réalité virtuelle signera la perte de l’humanité

La réalité virtuelle signera la perte de l’humanité

 

Bienvenue dans le tout immersif. Les ordinateurs simuleront bientôt tout. Nous jouerons un casque sur le visage, les ordinateurs et quelques senseurs remplaceront les orgasmes, et feront revenir les morts d’outre-tombe. C’est déjà fait. Gageons que rares seront les utilisateurs qui iront visiter le musée du Louvre depuis leur salon, même s’il y en aura…

 

Le film de Steven Spielberg intitulé Ready Player One est à cet égard très parlant. Un jeune garçon va faire évoluer son avatar depuis son salon. Une course pour des dollars et des clés virtuelles. Un peu comme si le monde était renversé, et que la réalité virtuelle avait pris le dessus sur le monde réel, devenu pour le coup morne et terne.  

 

Comment résister à la tentation d’un monde où tout est possible, tous les fantasmes potentiellement réalisables, tout à portée des yeux et des mains depuis notre salon?  

 

Là encore, l’extraordinaire WALL-E d’Andrew Stanton nous renseigne. La technologie a ses dangers. Écologiques et humains. Ces humains qui ont dû quitter la terre et sont devenus obèses car devenus incapables de prendre leurs gambettes pour aller visiter le Louvre à pieds et regarder La Joconde droit dans les yeux. Est-ce qu’elle nous verra où que l’on soit, La Joconde virtuelle ?

 

Pour aller plus loin : 

Rodolphe Gelin, Comment la réalité peut-elle être virtuelle ?, Le pommier, 2006. 

France culture 

Steven Spielberg, Ready Player One, 2018 

Andrew Stanton, WALL-E, 2008

 

Jamais aussi seuls que depuis que les réseaux sociaux existent

Jamais aussi seuls que depuis que les réseaux sociaux existent

 

 

 

 

 

Aimons-nous les uns les autres, disait Jean dans son Evangile. « Likons »-nous les uns les autres, reprennent en cœur Facebook et Instagram, dont la mission est de nous connecter à tout prix. Soyons tous « friends ». Partageons nos « stories », à défaut de nous intéresser à l’histoire avec un grand H. Autant d’anglicismes qui veulent nous mettre en lien les uns avec les autres et qui inquiètent les chercheurs. Jamais l’homme moderne occidental n’a été autant connecté, mais jamais il ne s’est senti aussi seul, chez luidevant son écran (ou derrière, c’est selon !)

 

En plus de la vitrine, parfois plus miroire narcissique que vitrine, d’ailleurs, que ces réseaux nous offrent, je pense aux inénarrables « selfies », cette (vilaine) manière de nous mettre toujours plus en scène, sur le petit théâtre de nos murs, d’être les stars nos propres chaînes Youtube, nous oublions trop souvent que nos amis virtuels ne le sont pas dans la réalité. Des amis qui ne nous veulent pas toujour du bien. Ils ne nous appellent pas. Ne sortent pas avec nous au cinéma. Ne viennent pas nous aider lorsque nous déménageons.

  

Pas facile de vivre dans une société de « mécontemporains » interconnectés et pourtant si seuls. Lâchons nos portables, sortons de ce monde imaginaire et ouvrons nos portes à nos amis. Les vrais. Tiens, d’ailleurs, vous faites quoi samedi soir ?

  

Pour aller plus loin 

 

Alain Finkielkraut, Charles Péguy, Le Mécontemporain : Péguy, lecteur du monde moderne, Paris, nrf, Gallimard, 1991. 

Radio canada  

Sami: la culture du narcissisme sur les réseaux sociaux

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tous des junkies de l’amour et de la mort

Tous des junkies de l’amour et de la mort

Au Moyen-Âge, les chevaliers s’ennuyaient beaucoup. La guerre, faire régner l’ordre et puis… le calme. Comment se distraire dans ces moments de solitude ? Il suffisait d’y penser. Des trouvères, poètes-chanteurs-jongleurs, ont alors imaginé des aventures chevaleresques fantastiques. Mieux encore, l’amour de la femme inaccessible s’est vite imposé comme incontournable dans les rangs des chansons. Et qui était la femme la plus inaccessible, le fantasme de tout guerrier ? La reine bien sûr. Femme fatale par excellence. Guenièvre est née de là. Tout chevalier se battait pour elle dans l’espoir de conquérir son cœur, quitte à trahir son roi.

 

Dans son œuvre majeure intitulée L’amour et l’Occident, l’écrivain suisse Denis de Rougemont raconte comment l’amour passion est amour de la destruction, amour de la mort. Aimer souffrir par amour, c’est vouloir mourir, comme dans le mythe de Tristan et Iseut qui ne peuvent vivre ni ensemble, ni séparément et finissent par y laisser leur peau.

 

L’amour de la passion est amour de l’amour, l’amour de la mort. Nous sommes, comme le chantait Michel Sardou, tous victimes de cette « maladie d’amour » en Occident. L’amour peut être destruction de l’un, de l’autre, voire des deux à la fois. Pour Denis de Rougemont, la clé se trouve dans le mariage, un amour qui dure. La clé, c’est aussi le respect et la sérénité.

 

Pour aller plus loin :

 

Denis de Rougemont, L’Amour et l’Occident, 10/18, 1957.

 

L’Amour et L’Occident sur viceversalittérature.ch

 

Interview de Denis de Rougemont

 

Même pas pareil!

Même pas pareil!

Sommes-nous tous les mêmes ? Nous sommes tous des êtres humains et appelons nos congénères nos « semblables », mais nous sommes tous différents. Même les jumeaux ne sont sont jamais identiques à 100%, bien qu’ils partagent parfois leur ADN. Henri Bergson, seul philosophe français lauréat du Prix Nobel de littérature, écrivait d’ailleurs qu’un « brin d’herbe ne ressemble pas plus à un autre brin d’herbe qu’un Raphaël à un Rembrandt ». 

 

Pourtant, nous avons besoin de cette catégorie du semblable pour nous retrouver, nous structurer, avoir des repères. Nous segmentons l’espace et le temps pour faire entrer chaque chose dans des catégories que l’on pense figées. Comme les couleurs de l’arc-en-ciel. Vous avez dit sept couleurs ? Bien sûr que non. Une infinité! Aucun bleu ne ressemble exactement à un autre bleu. Et nous n’avons que quelques mots pour désigner une infinité de bleus différents : bleu, turquoise, indigo, bleu clair, bleu foncé, bleu roi, bleu pétrole extra bleu ciel, ce camaïeu appelle combien les couleurs du ciel et de la mer sont effectivement infinies.

 

Le semblable et l’autre, deux concepts philosophiques bien complexes. Au fond, ce sont les Anglo-saxons qui apportent la meilleure réponse : les choses sont « same same but different ». Plus « différentes » que notre pensée ne le croit a priori.

 

Pour aller plus loin :

 

Henri Bergson, La pensée et le Mouvant, Paris, PUF, 1938. 

 

Vincent Descombes, Le même et l’autre : Quarante-cinq ans de philosophie française (1933-1978), Paris, Les Editions de Minuit, 1979

 

Les Bons Profs

 

La tragédie naît d’un bouc qu’on égorgeait sauvagement

La tragédie naît d’un bouc qu’on égorgeait sauvagement

 

 

Les Grecs ont inventé la tragédie au VIe siècle avant J.-C.. À l’origine, on fêtait l’arrivée du printemps et de Dionysos – Bacchus pour les Romains –, dieu de l’ivresse et de la poésie, en écrivant une tragédie. Trágos, en grec, signifie « bouc » et ôidế « le chant ». Ainsi, si le bouc chantait en place publique, c’est parce qu’on l’égorgeait…

 

Durant cette fête du printemps, des moissons à venir, du vin et de la poésie, tout le village se réunissait pour chanter et danser. On tournait joyeusement en rond autour d’un homme, puis plusieurs, des saltimbanques (« ceux qui sautent sur le banc »), qui donnaient de la voix en l’honneur de Dionysos. The Voice existait déjà avant l’heure du prime time !

 

Finalement, le banc s’est déplacé pour former une scène sur laquelle les meilleurs chanteurs se produisaient. Progressivement, ils sont devenus acteurs de théâtre. Les villageois dansant tout autour ont peu à peu formé un hémicycle, bien organisé, celui qui a donné naissance à l’architecture fabuleuse des théâtres grecs. On doit donc ces merveilles d’architecture et d’acoustique au chant du bouc saigné en l’honneur du Dieu printemps sur fond de fêtes orgiaques initiatiques qu’on nommait bacchanales. Merci le cultes grecs. Merci Dionysos.

Et si on ouvrait une bouteille de rouge en l’honneur du retour des beaux jours ?

 

Pour aller plus loin :